On a vécu quelque chose qu’aucune parole, aucun film ne peut décrire, et je ne sais pas comment on y a survécu. 

Une jeunesse française

Ginette Kolinka est née Ginette Cherkasky le 4 février 1925, à Paris. Elle est la fille de Léon et de Berthe Cherkasky. Léon est lui-même né à Paris, en 1883. Tailleur de profession, il rencontre Berthe Fairtsin. Née en 1889 en Roumanie, elle a immigré jeune en France et travaille comme domestique. Le couple Cherkasky a six filles : Léa (née en 1909), Suzanne (1912), Sophie (1915), Lucienne (1918), Jacqueline (1922) et Ginette, qui est la cadette. 

Après avoir vécu rue Vieille-du-Temple puis à Aubervilliers, la famille s’installe rue d’Angoulême dans le 11e arrondissement de Paris. Le quartier est modeste mais l’appartement, plus vaste, permet à Léon d’y installer également son atelier de tailleur. 

Ginette suit une scolarité normale, tout en pratiquant différents sports. Au fil des années, plusieurs des enfants Cherkasky commencent à travailler : Léa, l’aînée, s’associe avec son père dans son atelier de e tailleur, Suzanne devient secrétaire, Sophie et Lucienne vendeuses sur les marchés.

La menace antisémite

Au déclenchement de la guerre, comme des dizaines de milliers de parisiens, la famille Cherkasky quitte Paris, qu’elle regagne dans les semaines qui suivent la défaite. Rapidement, le régime de Vichy et l’occupant allemand promulguent les premières mesures antisémites : recensement, exclusions et dépossession sont mis en œuvre en quelques mois. 

L’entreprise de Léon, qui travaille avec sa fille Léa, est ainsi spoliée, tandis que les sœurs de Ginette ne peuvent plus travailler sur les marchés. En 1941, plusieurs membres de la famille sont arrêtés lors des premières rafles qui visent les Juifs à Paris. La pression sur les Juifs ne cesse de s’accroître, jusqu’au déclenchement des rafles de l’été 1942. 

C’est alors que Ginette et sa famille décide de fuir en zone libre. Accompagnée de deux de ses sœurs, Ginette effectue une première tentative en passant par Angoulême, mais toutes trois sont brièvement arrêtées par les Allemands. Après être repassées par Paris, elles réussissent finalement à passer en zone libre et rejoindre les autres membres de la famille à Aix-les-Bains.

Le départ en zone libre et l’arrestation

C’est à Avignon que les Cherkasky s’installent et tentent de vivre, malgré les circonstances. L’ensemble de la famille exerce l’activité de forain. En novembre 1942 les Allemands entrent en zone libre, accroissant la menace qui plane. Léa Cherkasky est la première à être arrêtée en janvier 1943. Puis le 13 mars 1944, les Allemands arrêtent Ginette à son domicile, en compagnie de son père, de son frère Gilbert et de Georges, le fils de Léa.

Après avoir été détenus à Avignon, tous les quatre sont transférés à la prison des Baumettes, où ils restent deux semaines. Puis le 1er avril les Allemands organisent le transfert des prisonniers juifs, à destination du camp de Drancy. 

Ginette, depuis les Baumettes, est séparée de son père, son frère et de son neveu et détenue avec les femmes. Dix jours après leur arrivée, le 12 avril 1944 à 5 heures du matin, les Cherkasky font partie d’un groupe de 1 502 personnes désignées pour la déportation.

Le convoi 71

Le convoi 71 quitte la gare de Bobigny à destination d’Auschwitz, emportant parmi les victimes 295 enfants. Dans la nuit du 15 au 16 avril 1944 le train atteint sa destination. Les 1 502 hommes, femmes et enfants sont alors soumis à la « sélection » opérée par les SS. Une très grande partie des déportées sont envoyés directement à destination des chambres à gaz, donc Léon et Gilbert. Ginette, tout comme Georges, sont eux « sélectionnés », et deviennent des prisonniers, détenus au camp d’Auschwitz II-Birkenau.

Séparée de son neveu, Ginette se retrouve parmi les femmes du convoi « sélectionnées » comme elle. Elle rencontre alors Yvonne Jacob et ses deux filles, Madeleine et Simone, ainsi que deux autres jeunes filles, Marceline Rozenberg et Hélène Weinberg. Durant plusieurs mois, ces femmes vont être affectées aux mêmes corvées et travaux. Les quatre plus jeunes filles développent alors des liens de solidarité et d’amitié très forts.

Le 28 octobre Ginette, en compagnie de Marceline, est embarquée dans un convoi qui quitte Birkenau à destination du camp de concentration de Bergen-Belsen.

Le retour des camps

Arrivées à Bergen-Belsen le 8 novembre, les femmes sont détenues dans des conditions très dures et livrées à elles-mêmes pendant plusieurs semaines. Elles demeurent détenues dans ces conditions jusqu’au début du mois de février 1945. C’est alors que Ginette, ainsi que Marceline, sont désignées pour faire partie d’un groupe de 500 femmes qui sont transférées vers Raguhn, un camp satellite de Buchenwald, à proximité de Leipzig.

Là elles sont astreintes au travail dans une usine d’armement. Mais en avril 1945, face à l’avancée des troupes américaines, le camp est évacué. Les femmes sont transférées dans des conditions effroyables vers le camp-ghetto de Theresienstadt.

Quand le convoi atteint sa destination, Ginette est malade, atteinte du typhus. Elle sombre dans le coma, dont elle ne sort que plusieurs semaines après. La guerre est alors terminée. Libre mais convalescente, elle rentre en France et retrouve les membres de sa famille qui ont survécu et ont regagné le domicile de la rue d’Angoulême.